eclectique manu

Léon Deubel (1879 – 1913): un poème "Détresse" ; il se suicida en 1913 blog du 10 01 2013

Léon Deubel (1879 – 1913), un des derniers poètes "maudits": il finit sa vie dans la misère, après avoir été révoqué de l'Education Nationale

 

 

Détresse



Seigneur ! Je suis sans pain, sans rêve et sans demeure.

Les hommes m’ont chassé parce que je suis nu,

Et ces frères en vous ne m’ont pas reconnu

Parce que je suis pâle et parce que je pleure.


 

Je les aime pourtant comme c’était écrit

Et j’ai connu par eux que la vie est amère,

Puisqu’il n’est pas de femme qui veuille être ma mère

Et qu’il n’est pas de cœur qui entende mes cris.


 

Je sens, autour de moi, que les bruits sont calmés,

Que les hommes sont las de leur fête éternelle.

Il est bien vrai qu’ils sont sourds à ceux qui appellent.

Seigneur ! Pardonnez-moi s’ils ne m’ont pas aimé !

 

Seigneur ! J’étais sans rêve et voici que la lune

Ascende le ciel clair comme une route haute.

Je sens que son baiser m’est une pentecôte,

Et j’ai mené ma peine aux confins de sa dune.


 
Mais j’ai bien faim de pain, Seigneur ! Et de baisers !

Un grand besoin d’amour me tourmente et m’obsède,

Et sur mon banc de pierre rude se succèdent

Les fantômes de Celles qui l’auraient apaisé.


 
Le vol de l’heure émigre en des infinis sombres,

Le ciel plane, un pas se lève dans le silence,

L’aube indique les fûts dans la forêt de l’ombre,

Et c’est la Vie, énorme encor qui recommence !

 

 

 

 

(1900, place du Carrousel, 3 heures du matin.)

 

 

 

 

NB - Léon Deubel se jeta dans la Marne en 1913

 

 

 

Poème mis sur mon blog le 10 janvier 2013

 



10/01/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 71 autres membres