Les héroïques aviatrices russes : leurs actions contre les Allemands 1941 – 1945. Mis sur mon blog le 24 07 2025
Les héroïques aviatrices russes : leurs actions contre les Allemands 1941 – 1945.
On les appelait les « Night Witches » les « Sorcières de la nuit » ! ce sont des femmes pilotes soviétiques qui ont bombardé les nazis dans l’obscurité durant la Seconde Guerre mondiale.
1 – Leur avion : un biplans Polikarpov Po-2
C’étaient des « biplans Polikarpov Po-2 », des avions obsolètes en contreplaqué des engins d’entraînement qui dataient de1928.
Lents et peu performants, très inflammables et sans aucune protection. On les avaient donc réservé aux femmes, c'est vraiment pas correct !.
Pour éviter les projecteurs des allemands, elles volent en rase-motte, coupent leurs moteurs en arrivant au-dessus de leurs objectifs, avant de piquer sur leur cible, volant par groupe de trois, les deux premières servant de leurre à la troisième, avant d'attaquer elles-mêmes.
Elles apprennent à utiliser la lenteur de leurs avions, très maniables, et volent bas pour se cacher derrière les arbres ! Par le harcèlement constant qu'elles infligent aux Allemands, elles contournent toutes les limites de leurs appareils et deviennent des éléments- clés de la victoire.
Ces avions servirent à attaquer au sol les troupes de la Wehrmacht, au cours de la pleine nuit. La tactique employée consistait à approcher des positions allemandes à basse altitude, puis à couper le moteur et effectuer une passe de bombardement en vol plané. Bien que ces attaques fussent peu meurtrières, elles eurent un effet psychologique important, troublant maintes fois le sommeil des unités de la Wehrmacht. Cet avion était appelé Nähmaschine (machine à coudre) par les soldats à cause du bruit caractéristique du moteur lors du redémarrage de celui-ci.
Cet avion équipa exclusivement un des 3 régiments basé dans la petite ville d'Engels, sur le fleuve Volga, au nord de Stalingrad. Le 588e régiment de bombardement de nuit, qui était constitué uniquement de pilotes et de mécaniciens féminins, se distingua dans ce type de mission. Certaines d'entre elles finirent la guerre avec plus de mille missions de ce type à leur actif, dont parfois dix-huit en une seule nuit, et nombre d'entre elles furent décorées du titre de Héros de l'Union soviétique.
Les pilotes et copilotes féminins n'emportaient pas de parachutes jusqu’en 1944, préférant plutôt mourir que de tomber aux mains de l'ennemi. Le copilote était chargé de larguer les 2 bombes attachées sous l'aile inférieure. Il fallait couper le moteur à l'approche de l'objectif puis piquer sur celui-ci, les bombes étaient alors larguées. Elles comportaient des lampes individuelles qui éclairaient les cibles. Lors du piqué de l'avion, les haubans émettaient un sifflement strident qui démoralisait notablement l'adversaire. Compte tenu de la faiblesse d'entretien des moteurs, ceux-ci ne redémarraient pas toujours lors du redémarrage et parfois les avions s'écrasaient sur la cible.
2 – Histoire des 3 escadrilles féminines
L’escadron était une idée de Marina Raskova. Ce major de l’armée de l’air soviétique avait réagi aux lettres des femmes qui voulaient s’engager dans les combats sur les lignes de front. La proposition avait été envoyée à Joseph Staline.
Le 8 octobre 1941, Staline céda à sa demande et ordonna le déploiement de trois unités. Cette décision a fait de l’Union soviétique le premier pays à envoyer officiellement les femmes au combat. Ainsi est né le « cinq cent quatre-vingt-huitième » régiment qui appartenait exclusivement aux femmes le 588 NBAP. La plupart d’entre elles étaient des étudiantes âgées de dix-sept à vingt-six ans.
Les recrues ont été installées et formées à l’école d’aviation à Engels. Elles devaient apprendre, en quelques mois, ce que les soldats ont mis plusieurs années à cerner. Chacune devait s’entraîner et jouer le rôle de pilote, de navigateur, de maintenance et de membre d’équipage au sol.
Les allemands promettaient de remettre la prestigieuse médaille de la Croix de fer à ceux qui seraient capables d’abattre une des « sorcières de la nuit ».
Leur son était le seul avertissement pour les Allemands. Les avions étaient trop petits pour apparaître sur le radar ou les localisateurs infrarouges. Ils n’ont jamais utilisé de radio. On ne pouvait donc pas les repérer. Ils agissaient comme des fantômes.
A bord, il n’y avait qu’une carte, une boussole, des règles, des chronomètres, des lampes de poche et des crayons. Sans munitions de défense, les pilotes doivent descendre en piqué quand ils font face à l’ennemi. L’avion ne pouvait porter que deux bombes et devait voler à basse altitude. C’est pour cela que leurs missions étaient toujours nocturnes.
Pendant les rudes hivers, les avions devenaient si froids que le simple fait de les toucher aurait déchiré leur peau. Malgré cela, ces femmes effectuaient des manœuvres exceptionnelles et astucieuses. Leur technique était de passer le moteur au ralenti, de laisser l’avion porté par le vent, à l’approche de la cible.
Elles planaient en « mode furtif » jusqu’au largage des bombes.
Elles attaquaient par groupe de trois. Les deux premiers servaient d’appâts en attirant les projecteurs allemands. Elles prenaient ensuite des directions opposées pour éviter les canons antiaériens. Enfin, le dernier avion avançait lentement dans l’obscurité pour tirer. Cette séquence se poursuivait jusqu’à ce que toutes les bombes soient larguées.
23 672 sorties et 3000 tonnes de bombes larguées.
le 6 juillet 1943 en récompense, le régiment reçoit le nouveau titre de "46ème Taman' Régiment de Bombardiers de Nuit" et fut le plus décoré des forces aériennes soviétiques.
Leur première mission à succès a eu lieu le 28 juin 1942, et ciblait le quartier général des forces allemandes.
La dernière mission des Night Witches a eu lieu le 4 mai 1945, à environ soixante kilomètres de Berlin. Trois jours plus tard, l’Allemagne se rendit officiellement. L’escadron a été dissout six mois après. C’était l’unité la plus décorée de l’armée de l’air soviétique durant la guerre.
Près d'un million de femmes ont servi dans l'Armée Rouge, dès les premiers mois de l'invasion allemande, dès l'opération Barbarossa, souvent en première ligne. Et parmi elles, les pilotes, amatrices ou confirmées, s'engagèrent massivement dans les bataillons d'aviation de combat.
Elles ont bravé les balles et les engelures dans les airs tout en luttant contre le scepticisme des hommes de la hiérarchie de l’armée.
Les sorcières de nuit ont perdu trente-deux pilotes au combat.
Vingt-trois ont reçu le prestigieux titre de héros de l’Union soviétique.
3 – Quelques aviatrices héroïnes remarquables
31 - Marina Raskova (1912 – 1943), 31 ans
Elle fit partie des 800 000 femmes engagées dans l'Armée rouge, et fut la fondatrice de trois régiments d'aviation entièrement féminins durant la guerre face à l'Allemagne.
Fille d'un chanteur d'opéra, Mikhail Malinine et d'Anna Spiridonovna, professeur, sœur de la célèbre chanteuse Tatyana Liubatovitch, elle est elle-même virtuose du piano, mais sort diplômée de l'Institut de l'Aviation Civile de Leningrad, et commence sa carrière de navigatrice, puis devient pilote, en 1925.
Et le 24 octobre 1937, avec Valentina Grizobudova, elle enregistre un record du monde féminin de distance, 1445 km non-stop, aux commandes d'un Yakolev AIR-12 !
L'année 1938 est pour elle celle de trois nouveaux records mondiaux : à bord d'un hydravion MP-1, couvrant 1749 km puis 2241 km, avec Valentina Grizodubova et Paulina Osipenko en ANT-37 parcourant 6450 km, en un vol non-stop de Moscou au Pacifique. Au terme de ce très long périple, les trois femmes doivent effectuer un atterrissage d'urgence dans la taïga, et ne seront retrouvées que dix jours plus tard, devant la vie à quelques barres de chocolat...
A l'âge de 26 ans, le 2 novembre 1938, elle reçoit l'Etoile d'or des Héros de l'Union Soviétique, avec Grizodubova et Osipenko, pour ce vol record vers l’Extrême-Orient. Promenade de santé au regard de ce qui l'attend avec l'irruption de la guerre...
Marina rejoint l'Armée Rouge dès 1938, et elle forme un groupe trois régiments d'aviation féminins :
- le 586ème IAP, régiment de chasse, qui vole sur Yak-1, assigné à la défense de Saratov.
- le 587ème BAP bombardiers en piqué, dont Marina Raskova est nommée commandant, sur Polikarpov PO-2, prévu pour l'entraînement et le travail agricole... mais qui jouera un rôle crucial dans le harcèlement nocturnes des troupes allemandes.
- Le 588ème NBAP, bombardiers de nuit, qui portait le surnom des "Sorcières de La Nuit", et volait également sur PO-2.
Elle est décédée le 4 janvier 1943. Alors qu’elle convoyait en première ligne une formation de trois avions, le 4 janvier 1943, dans une tempête de neige, son Po-2 s’écrase au Nord de Stalingrad contre les hautes falaises qui longent les rives de la Volga.. Ce jour-là, de cette mission, aucun équipage ne revient.
32 - Tatiana Nikolaïevna Soumarokova (1922 – 1997), 75 ans
C’était une navigatrice et lieutenante de la garde du 588 NBAP pendant la Seconde Guerre mondiale.
Après que les informations sur son héroïsme pendant la guerre aient été publiées en Russie après la dissolution de l'Union soviétique, elle reçoit le titre de Héros de la Fédération de Russie en 1995.
33 - Kiouaz Dospanova ( 1922 – 2008), 86 ans
C’était une aviatrice kazakhe. Elle reçut le titre d'« Héroïne du Kazakhstan » pour ses services rendus après l'indépendance du pays.
Née dans l'Oblys d'Atyraw, aujourd'hui au Kazakhstan, elle rêve dès le plus jeune âge d'être pilote. Après avoir fini l'école secondaire, elle devient une pilote réserviste. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, elle fait une demande pour entrer à la Zhukovsky Air Force Academy de Moscou, mais elle est refusée, l'académie étant réservée aux hommes ; elle entre alors dans un institut médical, en 1941.
Quand elle apprend la formation du 588 NBAP par Marina Raskova, une unité de l'armée de l'air entièrement féminine, elle fait une demande pour entrer à l'université d'aviation de Saratov. En 1942, elle intègre le 588 NBAP sous le commandement de la pilote Ievdokia Berchanskaïa, et fait 300 heures de vol en combat comme navigatrice et artilleur, atteignant le rang de senior lieutenant.
Lors d'un atterrissage après une mission en 1943, le Polikarpov Po-2 de Dospanova et de sa pilote Julia Paskova entre en collision avec un autre Po-2. Les deux pilotes de l'autre avion décèdent sur le coup et Paskova meurt pendant son opération, quelques heures plus tard ; Dospanova est considérée comme morte, ne bougeant pas mais les infirmières finissent par se rendre compte qu'aucune rigidité mortelle ne l'envahit. Elle subit alors plusieurs opérations sur quelques jours. Elle développe une gangrène dans les jambes mais un des docteurs refuse de l'amputer. Dospanova doit porter des plâtres pendant quelques semaines puis, après les avoir retirés, elle marche avec une canne. Elle retrouve son régiment mais a régulièrement besoin d'assistance pour entrer et sortir de son avion, et finit par prendre la place de chef des communications après la mort de l'ancienne cheffe, Valentina Stoupina.
Khiuaz Dospanova se lançe en politique dans les années 50. En 1951, elle est élue députée du Conseil suprême de République socialiste soviétique kazakhe. Elle a également été secrétaire du comité du parti de la ville d’Almaty. En 1959, pour des raisons de santé elle prend sa retraite. Elle meurt en 2008.
On lui rend hommage un peu partout à travers le pays. La ligne Air Astana nomme par exemple en 2012 un avion en son nom ou encore en 2019 un monument lui est érigé à Atyrau. L'aéroport international d'Atyraw est renommé en son honneur. Distinctions : Ordre de l'Étoile rouge, Ordre de la Guerre patriotique - Héroïne du Kazakhstan
34 - Nadejda Popova (1921 – 2013) 92 ans,
Elle était pilote depuis 1936. En 1942, elle apprend la création d'un régiment d'aviation de combat féminin et se voit bientôt recrutée et envoyée à Engels pour intégrer le 588e NBAP du Groupe d'Aviation 122. Elle a reçu 6 décorations pour ses actions.
35 - Mariya Dolina (1922 – 2010), 88 ans .
Au cours de la guerre, Dolina a participé a soixante-douze missions, largué 72 000 kg de bombes et abattu trois appareils, ce qui est remarquable étant donné l’extrême dangerosité des attaques au sol réalisées de jour sur Pe-2. Elle abat en même temps un Bf 109 et un Fw 190, aux commandes de son bombardier Polikarpov Po-2. Pour ces réalisations, elle reçoit le 18 août 1945 le titre d’héroïne de l’Union soviétique. Après la guerre, elle continue à servir dans l'armée de l'air, elle est commandant adjoint du régiment d'aviation bombardier jusqu'en 1950. Elle s’illustre le lors du Congrès des vétérans de guerre, en prenant la défense des vétéranes, dont beaucoup n’avait presque rien pour survivre. Lors d’un discours enflammé, elle interpella Mikhaïl Gorbatchev en lui demandant d’augmenter les pensions, ce qui fut fait le lendemain. Elle est par ailleurs promue au rang de major le
36 – Iekaterina Riabova (1921 – 1974), 53 ans
Au bout seulement de quelques mois passés au combat, elle est promue navigatrice principale de l'escadron sous les ordres de Marina Tchetchneva. En 1944, la pilote Nadejda Popova et elles font dix-huit sorties en une seule nuit au-dessus de la Pologne. Au total, elle a fait 890 sorties pendant la guerre, sa dernière mission prenant place au-dessus de Berlin après avoir participé aux bombardements à Taman, en Crimée, en Biélorussie et en Pologne.
Le 23 février 1945, Riabova est déclarée Héroïne de l'Union soviétique par le Soviet suprême.
En juin 1945, elle a épousé le double Héros de l'Union soviétique Grigori Sivkov qu'elle a rencontré pendant la guerre. Ils ont eu 2 filles. Elle meurt le 12 septembre 1974, âgée de 53 ans. Son journal décrit comment elle se blessa à la tête durant la guerre, raison de ses migraines récurrentes : sa tête tapa contre le tableau de bord lors d'un atterrissage violent.
37 – Yevdokia Berchanskaïa (1913 – 1982) , 69 ans
En tant que pilote avec dix ans d'expérience, Berchanskaïa est choisie pour diriger le 588 NBAP. En 1943, le régiment reçoit le nom de 46e Régiment d'Aviation de bombardiers de la Garde de Nuit. Les femmes pilotes étaient si féroces et précises que les soldats allemands en avaient très peur. Jusqu'à sa dissolution en octobre 1945, le régiment est resté totalement féminin.
Elle a eu personnellement 6 distinctions dont celle de l'Ordre de Souvorov.
Après la guerre, Berchanskaïa épouse Konstantin Botcharov, le commandant du 889e régiment d'aviation de bombardiers de nuit, qui a travaillé en étroite collaboration avec le 588 NBAP. Ils ont eu trois filles. Elle succombe à une attaque cardiaque en 1982 à Moscou..
4 - Conclusion
Ces femmes avaient un talent incroyable et énormément de courage. Chaque pilote a effectué près de mille missions et ont eu beaucoup de succès dans leurs actions.
Cependant, les femmes ont été exclues du grand défilé de la victoire à Moscou, car leurs avions étaient jugés trop lents !!
Elles ont marqué leur féminité en dessinant des fleurs sur chaque côté de leurs avions. Le groupe de rock suédois Sabaton a écrit la chanson « Night Witches » dans leur album « Heroes » en leur hommage.
L'hommage des pilotes français de Normandie-Niemen est sans doute l'un des plus vibrants qu'on leur ait rendu... « Même s’il était possible de cueillir et de déposer à vos pieds toutes les fleurs de la Terre, cela ne constituerait pas une reconnaissance suffisante de votre valeur ».
Mis sur mon blog le 24 07 2025 et modifié le jour -même.
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