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Victor Hugo (1802 – 1885): poème " Paroles sur la dune " , une méditation apaisée 27 01 2013

Victor Hugo  (1802 – 1885)

 

Paroles sur  la dune

 

 

 

Maintenant que mon temps décroît comme un flambeau,

Que mes tâches sont terminées ;

Maintenant que voici que je touche au tombeau

Par les deuils et par les années,



Et qu'au fond de ce ciel que mon essor rêva,

Je vois fuir, vers l'ombre entraînées,

Comme le tourbillon du passé qui s'en va,

Tant de belles heures sonnées ;



Maintenant que je dis : - Un jour, nous triomphons ;

Le lendemain, tout est mensonge ! -

Je suis triste, et je marche au bord des flots profonds,

Courbé comme celui qui songe.



Je regarde, au-dessus du mont et du vallon,

Et des mers sans fin remuées,

S'envoler sous le bec du vautour aquilon,

Toute la toison des nuées ;



J'entends le vent dans l'air, la mer sur le récif,

L'homme liant la gerbe mûre ;

J'écoute, et je confronte en mon esprit pensif

Ce qui parle à ce qui murmure ;



Et je reste parfois couché sans me lever

Sur l'herbe rare de la dune,

Jusqu'à l'heure où l'on voit apparaître et rêver

Les yeux sinistres de la lune.



Elle monte, elle jette un long rayon dormant

A l'espace, au mystère, au gouffre ;

Et nous nous regardons tous les deux fixement,

Elle qui brille et moi qui souffre.



Où donc s'en sont allés mes jours évanouis ?

Est-il quelqu'un qui me connaisse ?

Ai-je encor quelque chose en mes yeux éblouis,

De la clarté de ma jeunesse ?



Tout s'est-il envolé ? Je suis seul, je suis las ;

J'appelle sans qu'on me réponde ;

Ô vents ! Ô flots ! Ne suis-je aussi qu'un souffle, hélas !

Hélas ! Ne suis-je aussi qu'une onde ?



Ne verrai-je plus rien de tout ce que j'aimais ?

Au-dedans de moi le soir tombe.

Ô terre, dont la brume efface les sommets,

Suis-je le spectre, et toi la tombe ?



Ai-je donc vidé tout, vie, amour, joie, espoir ?

J'attends, je demande, j'implore ;

Je penche tour à tour mes urnes pour avoir

De chacune une goutte encore !



Comme le souvenir est voisin du remord !

Comme à pleurer tout nous ramène !

Et que je te sens froide en te touchant, ô mort,

Noir verrou de la porte humaine !



Et je pense, écoutant gémir le vent amer,

Et l'onde aux plis infranchissables ;

L'été rit, et l'on voit sur le bord de la mer

Fleurir le chardon bleu des sables.

 

 

 

Dans le recueil  « Les Contemplations », publié en 1856.

 

NB – Ce recueil se compose de 6 livres et totalise environ 155 poèmes. Celui-là est extrait du livre V « En Marche ». C’est une méditation sur la condition humaine.

 

 

Poème mis sur mon blog le 27 janvier 2013.



27/01/2013
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