Siècle des Lumières : importance des femmes pour la culture et les arts. Partie 1 . Mis sur mon blog le 26 11 2024 et modifié le 29 11 et le 19 12 2024
Siècle des Lumières : importance des femmes pour la culture et les arts
Le 18ème siècle est dit celui des « lumières » et un grand nombre de femmes ont eu un rôle important dans le domaine de la culture et des arts.
Je parlerai évidemment aussi des hommes remarquables et des activités nouvelles qu’elles ont appréciés , protégés et aidés.
Le mouvement des "Lumières" a eu lieu aussi ailleurs en Europe, comme en Angleterre et Ecosse "Enlightenment" avec Isaac Newton, John Locke, David Hume, Bayle, etc. mais aussi en Allemagne "Aufklarung" avec Emmanuel Kant (1724 - 1804), Leibniz (1646 - 1716), etc. mais aussi avant eux avec Descartes (1596 - 1650 à Stockholm), Spinoza (1632 - 1677) et bien d'autres.
Je traiterai trois volets de ce sujet :
- Les femmes de pouvoir,
- Les salonnières
et
- Les femmes « savantes et écrivaines »
En Partie 2, ce sera tout simplement la suite, car je ne peux pas tout traiter en Partie 1.
1 - Les femmes de pouvoir
Je vais signaler ici uniquement celles qui ont aidé et poussé les hommes et les activités dans ce domaine des arts et de la culture.
11 – Catherine II impératrice de Russie
Elle a été une femme extraordinaire , avec des côtés brillants et d'autres plus sombres.
Conseillée dans ses lectures par divers intellectuels de passage, elle demande le catalogue de l’Académie des sciences, où elle commande Plutarque, Montesquieu et d’autres auteurs.
Elle est mariée au futur tsar de Russie mais le mariage ne rapproche pas les époux, d'autant plus que Catherine, lectrice de Machiavel, Tacite, Voltaire et Montesquieu, se montre favorable à l'opposition, à tel point qu'elle est placée en résidence surveillée au palais de Peterhof et que son mari menace de la faire enfermer et remplacer par sa maîtresse sur le trône à ses côtés.
Catherine choisit Saltykov comme amant. En 1754, elle donne naissance à un fils, Paul (1754-1801),
Elle a d'autres amants au cours de cette période, notamment un noble polonais, Stanislas Poniatowski, que l'impératrice Elizabeth contraint à quitter la cour de Russie. Elle fait enfermer puis tuer son mari et se fait proclamer "tsar"
Depuis 1762, Catherine II règne en autocrate (unique détentrice d’un pouvoir dit de droit divin) sur une population essentiellement composée de serfs dans l’immense Empire russe.
Admiratrice des Lumières françaises, surnommée la « Sémiramis du Nord » par Voltaire, elle finance l’Encyclopédie de Diderot (voir tableau ci-contre)
et d’Alembert. Lectrice de L’Esprit des lois (où Montesquieu (voir tableau ci-contre)
considère que son prédécesseur Pierre le Grand avait donné « les mœurs et les manières de l’Europe » à la nation russe), elle s’attelle à la promotion des valeurs d’ordre public, de progrès matériel et d’éducation pour définitivement ancrer le pays à l’Europe occidentale.
Elle correspondait avec Voltaire
, et a aussi entretenu avec Denis Diderot une longue amitié. À de nombreuses occasions, Catherine II profita de cette relation pour faire venir auprès d'elle quelques gloires qu'elle admirait.
Elle a soutenu avec enthousiasme les idéaux des Lumières car elle croyait que l'amélioration des conditions de vie de ses sujets renforcerait son autorité. Et cette amélioration lui a valu le statut de despote éclairé.
Les correspondants de l'impératrice sont Voltaire, Melchior Grimm (un peu plus de 430 lettres), Denis Diderot
(c'était un romancier, un philosophe et le principal créateur et contributeur de l' "Encyclopédie") et Madame Geoffrin la salonnière (voir plus loin le § dur elle).
Melchior Grimm (1723-1807), est pour elle aussi bien un correspondant philosophique qu’un confident. Il est ministre de Catherine II à Hambourg. En France il lui sert d’intermédiaire dans ses achats d’œuvres d’art et de livres, mais aussi de moyens de propagande en France. Fervent défenseur de la Russie en France, il reçoit des subventions de Catherine.
Quant à Diderot (1713-1784), elle lui achète sa bibliothèque en 1765, mais la lui laisse à sa disposition tout en lui versant une pension substantielle en tant que bibliothécaire. En 1773, il séjourne à Saint-Pétersbourg pendant cinq mois (octobre 1773-mars 1774). Il vient alors chaque jour pendant trois heures s’entretenir avec elle. Bien que ses idées ne soient pas applicables en Russie, elle le questionne longuement sur ses conceptions. Il écrit à son intention des textes répondant aux interrogations de l‘impératrice. À la fin de sa vie, après qu'il a critiqué la Russie, leurs relations sont moins chaleureuses mais ne sont pas interrompues.
Mais la France, de berceau des Lumières, est alors devenue le foyer de ferments révolutionnaires qui agitent toute l’Europe. En proclamant l’égalité des droits selon le principe moral de la loi naturelle, la Révolution française ébranle jusqu’au pouvoir de Catherine II, qui tente alors d’organiser une réaction.
Au cours de son règne, la Russie devient le premier producteur mondial de fer, de fonte et de cuivre. En 1796, elle compte plus de 200 usines, ateliers et manufactures. La production industrielle a doublé et la valeur du commerce intérieur et extérieur triplé. Les États occidentaux doivent désormais accueillir la Russie dans le « concert européen ».
12 – Marie Leszczynka reine de France
Ses activités intellectuelles méritent d'être plus connues !
Derrière son appartement de parade, elle fit aménager des cabinets privés, une dizaine de pièces, où elle se retirait plusieurs heures chaque jour pour prier, méditer, effectuer des travaux d’aiguille, lire et accueillir un salon !. De 1728 à 1747, on modifia plusieurs fois cet appartement intérieur, en partie redécoré jusqu’en 1764. Une très petite pièce, appelée cabinet des Poètes, fut consacrée aux livres. « Ses principales lectures, après celles de piété, sont des livres d’histoire », rapporte dans ses Mémoires le duc de Luynes. D’ailleurs fort instruite, la souveraine parlait, outre polonais et français, allemand, italien et maîtrisait le latin.
Marie Leszczyńska entretenait une riche vie intérieure.
Elle y puisait la force d’affronter le poids de la vie de Cour.
Mais elle aimait aussi la compagnie.
La libre conversation dans un cercle érudit était pour elle le plus doux des plaisirs. Son salon réunissait de beaux esprits, dont le président Hénault, jurisconsulte, historien et correspondant de Voltaire, le ministre Maurepas, à la verve piquante, Paradis de Moncrif, lecteur de la Reine, écrivain, philosophe. Parmi ses amis, le duc et la duchesse de Luynes avaient sa pleine confiance. Elle passa chez eux de nombreuses soirées, soupant ou faisant des parties de cavagnole, le jeu étant la seule passion avérée de la reine.
« Elle aime la musique et joue de plusieurs instruments » (duc de Luynes)
Marie Leszczyńska avait reçu l’éducation d’une princesse. Elle pratiquait la danse, le chant, jouait du clavecin, de la guitare et de la vielle. Elle organisait des concerts dans les salons de la Paix, de Mars, à Trianon et à la Ménagerie. Campra, Rameau (voir tableau ci-contre)
, Colin de Blamont… les compositeurs français avaient sa préférence. Mais l’histoire retient aussi qu’en 1737, elle fit venir à la Cour le castrat Farinelli et qu’au Nouvel An de 1764, elle conversa en allemand avec le jeune Mozart
Quoiqu’elle ne sache point dessiner, elle sait peindre, et s’en amuse et y réussit assez bien » (duc de Luynes)
Entre tous les arts, ce fut la peinture que la reine apprécia le plus. L’une des pièces de son appartement intérieur, le Laboratoire, fut aménagée en atelier. Son « teinturier », Étienne Jeaurat, guida son pinceau pendant une quinzaine d’années, tandis que Jean-Baptiste Oudry la conseilla. Entre autres œuvres, on doit à la Reine la copie fidèle d’un tableau de ce maître, "La Ferme". Avec cinq peintres du Cabinet du roi, elle participa également à la création d’un ensemble de huit toiles, "le Cabinet des Chinois".
En tant que commanditaire, la souveraine sut affirmer ses goûts picturaux. Elle se plaisait à la contemplation de sujets légers, chinoiseries, pastorales, ou paysages. La série des Cinq Sens, par Oudry, décrit de petites scènes champêtres dans une campagne idéale. "La Cueillette des fleurs" représente par exemple l’odorat.
Parmi ses peintres favoris figurait sans conteste Jean-Marc Nattier, qui la portraitura en 1748 en « habit de ville ». Mais celui qu’elle distingua entre tous fut Charles-Antoine Coypel. Ce dernier n’exécuta pas moins de trente-quatre tableaux religieux pour les cabinets privés de la souveraine. Ils révèlent la dévotion de Marie Leszczyńska pour les saintes martyres des premiers temps de la chrétienté, comme Sainte Thaïs. Elle vouait encore un culte aux saints jésuites, tel François-Xavier.
13 – Marquise de Pompadour (voir en Partie 2)
2 - Les salonnières
Il y en eu beaucoup (en même temps ou à la suite) à tenir des salons qui réunissaient les plus grands artistes, écrivains et savants et je ne citerai que les plus importantes d'après moi .
21 – Mme Geoffrin
C'est celle que je préfère !!
Marie-Thérèse Geoffrin, née Rodet (1699-1777) est la fille d’un valet de chambre de Marie Anne de Bavière, dauphine de France. Elle épouse, à l'âge de 14 ans, François Geoffrin, bourgeois de Paris, écuyer puis lieutenant-colonel de la milice bourgeoise de Paris. Il est associé de la Manufacture royale des glaces. Malgré sa petite naissance, son manque d'éducation et un mariage avec un homme médiocre, Marie-Thérèse Geoffrin parvient, grâce à son esprit et à la fortune amassée par son mari, à conquérir, non seulement les hautes sphères parisiennes, mais aussi celles de toute l'Europe.
Très tôt, elle s'occupe de créer un salon, appelé alors « bureau d'esprit ». Le décès de son mari en 1749, qui y était hostile, en accélère le développement, ainsi que les revenus issus de la manufacture des glaces. Elle attire des hommes de sciences, de lettres, des philosophes et la plus haute noblesse. De l'étranger, quand ils se rendent à Paris, les grands personnages ne manquent pas de se présenter chez elle , rue Saint-Honoré. Ainsi, on y rencontre Walpole, Hume, le jeune comte Stanislas Poniatowski, futur roi de Pologne. Elle correspond avec le roi Gustave III de Suède, et avec Catherine II de Russie. Femme généreuse, elle prend volontiers en charge, par exemple, les dettes de jeu de son invité, Stanisłas Poniatowski, dont le père, le prince Poniatowski, lui avait confié l’éducation. Stanislas a entretenu des relations amicales avec elle et, deux ans après avoir été sacré roi de Pologne, en 1766, il l'invite à Varsovie. Lors de son escale à Vienne, elle est reçue par l’impératrice Marie-Thérèse et Joseph II. Mais Madame Geoffrin
est surtout connue pour la libéralité qu'elle a accordée aux philosophes encyclopédistes, dont d'Alembert
et Voltaire ont été les plus marquants.
Elle meurt à Paris et est inhumée dans l’église Saint-Roch, son enterrement chrétien ayant été l’occasion d’une bataille entre sa fille, Mme de La Ferté-Imbault, et les encyclopédistes anticléricaux !!
De son mariage elle a eu une fille, Marie-Thérèse (1715-1791), qui épouse en 1733 Philippe Charles d'Estampes, marquis de La Ferté-Imbault.
22 – Mme de Tencin
Elle a été, avec son salon, très importante mais elle a eu des côtés plus sombres et était assez immorale (et mauvaise mère !).
Née en 1682, Claudine-Alexandrine de Tencin a passé ses jeunes années dans un couvent près de Grenoble, avant de s’installer à Paris, en 1711. Elle était agréable à regarder, avec sa bouche expressive et fraîche, son regard vif et énergique. Marivaux en personne la décrit comme « l’âme la plus agile qui fut jamais ». Mme de Tencin est également connue pour être la mère de d’Alembert
, né de ses amours avec le chevalier Destouches (elle avait abandonné le bébé dans une église !!).
D’abord intrigante et entremetteuse, elle a été la maîtresse du Régent, Philippe d’Orléans, puis de son premier ministre, Dubois. Une de ses affaires de cœur et d’argent ayant mal tourné, elle se retrouve emprisonnée à la Bastille (en même temps que Voltaire, qu’elle déteste).
À sa sortie, âgée de 45 ans, elle décide de créer son salon, qui ressemble plus à un salon d’intrigues amoureuses qu’à un salon littéraire. Mme de Tencin s’occupe de fournir des maîtresses à Louis XV (voir tableau ci-contre)
: Mme de Mailly, la marquise de la Tournelle, et prépare l’ascension de la future Mme de Pompadour ! Plus tard, elle publiera, avec succès, quelques romans dont "les Mémoires du comte de Comminge", "Le Siège de Calais" et "Les Malheurs de l’amour".
Parmi les visiteurs du mardi, il y avait Fontenelle, Marivaux, l’abbé Prévost (l’auteur de Manon Lescaut) et Montesquieu. Quand ce dernier publia "L’Esprit des lois", Mme de Tencin acheta presque toute l’édition pour en faire distribuer des exemplaires à ses amis. Et Montesquieu lui dit : « Vous êtes la petite maman de mon livre. » Citons également La Motte, Duclos, Marmontel, Helvétius, Mme Geoffrin, autre salonnière (voir ci-dessus). Mme de Tencin appelait son assemblée « ma ménagerie » ou « mes bêtes ».
On critiquait le pouvoir (en particulier la nonchalance de Louis XV), on prévoyait (déjà !) la chute de la monarchie. On organisait des élections, des mariages. On décidait d’un siège à l’Académie ou de l’union de deux maisons illustres. On s’amusait beaucoup aussi : on faisait des mots, on lisait, on jouait aux jeux de société. On faisait des portraits, des maximes, des imitations (« à la manière de… »).
Madame de Tencin s’est éteinte à 66 ans, après avoir passé ses deux dernières années immobilisées dans son fauteuil, mais pas inactive ! Quand Fontenelle, qui avait alors 92 ans, apprit son décès, il demanda : « Où dînerai-je chaque mardi ? » Il répondit : « Eh bien ! je dînerai chaque mardi chez Mme Geoffrin. »
23 – Julie de Lespinasse (voir en Partie 2)
24 – Marquise de Deffand (voir en Partie 2)
25 – Mme de Lambert (voir en Partie 2)
26 – Mme Doublet (voir en Partie 2)
2- 7 – Mme Helvetius Anne Catherine de Ligniville (voir tableau ci-contre)
et voir en Partie 2.
2- 8 – Mlle Quinault (voir en Partie 2)
2- 9 – Mme Necker et sa fille Mme de Staël (voir en Partie 2)
2-10- Duchesse du Maine (voir en Partie 2)
2-11 – Mme d’Epinay (voir en Partie 2)
3 - Les femmes « savantes et écrivaines »
Il y eu aussi quelques femmes « savantes et écrivaines » mais hélas en trop petit nombre .
3-1 Mme du Chatelet
Emilie du Châtelet a été une femme de sciences
et la compagne de Voltaire.
Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet, fut une scientifique de premier plan, pourtant longtemps restée dans l’ombre du philosophe Voltaire, dont elle partagea la vie. Grâce à son père, le baron de Breteuil, elle bénéficia au même titre que ses frères d’un enseignement riche et varié : latin et grec, anglais et allemand, mathématiques, physique, ainsi que danse, clavecin, chant, théâtre et gymnastique.
Le marquis du Châtelet, qu’elle épousa à dix-neuf ans, l’autorisa à vivre librement à Paris pourvu que les apparences soient sauves, lui conservant son amitié. Elle entretint alors plusieurs liaisons amoureuses : avec le duc de Richelieu , l’académicien Maupertuis , qui fut son professeur, mais surtout, à partir de 1733, avec Voltaire. En 1748, à la cour du duc de Lorraine, elle s’éprit du poète et militaire Jean-François de Saint-Lambert . Elle mourut l’année suivante des suites de la naissance de l’enfant qu’elle eut avec lui.
Sa rencontre avec Voltaire, de douze ans son aîné, fut déterminante pour leurs parcours respectifs. Recherché par la justice à la suite de la publication clandestine, en 1734, des Lettres philosophiques – un éloge de la tolérance anglaise –, il se réfugia avec Émilie dans le château de Cirey (Haute-Marne). Pendant plusieurs années, tous deux y menèrent des expériences scientifiques, étudièrent et écrivirent ensemble.
Passionnés l’un et l’autre par les théories de Newton sur le mouvement des corps et la gravitation, ils furent les pionniers de leur vulgarisation en France, avec la publication, en 1737, des "Éléments de la philosophie" de Newton, ouvrage auquel contribua Émilie, et la traduction commentée par la marquise de ses "Philosophiae naturalis principia mathematica".
Auteur également d’un "Discours sur le bonheur" aux accents épicuriens, Émilie associa toute sa vie le goût de l’étude et celui d’occupations plus futiles telles que la parure, les divertissements et les jeux d’argent.
Largillière et Nattier firent son portrait, mais elle leur préféra celui que fit d’elle vers 1745 la jeune Marianne Loir.
3 – 2 Olympe de Gouges
Elle était passionnée et très en avance sur son temps !
Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, née à Montauban le 7 mai 1748 et morte guillotinée à Paris le 3 novembre 1793, est une femme de lettres française, devenue femme politique et polémiste.
Auteur de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l'abolition de l'esclavage des Noirs.
Elle est devenue emblématique des mouvements pour la libération des femmes, pour l'humanisme en général, et l'importance du rôle qu'elle a joué dans l'histoire des idées a été considérablement estimé et pris en compte dans les milieux universitaires.
Pendant son séjour à la Cour, elle changera de nom : il ne sera plus Marie Gouze mais Olympe de Gouges.
Elle avait rencontré un haut fonctionnaire de la marine, Jacques Biétrix de Rozières, alors directeur d'une puissante compagnie de transports militaires en contrat avec l'État. Lorsqu'il lui proposa de l'épouser, elle refusa et leur liaison dura jusqu'à la Révolution. Grâce au soutien financier de son compagnon, elle put mener un train de vie bourgeois, figurant dès 1774 dans l'Almanach de Paris ou annuaire des personnes de condition.
Issue par sa mère de la bourgeoisie aisée de Montauban, Olympe de Gouges avait reçu une éducation qui lui permit de s'adapter aux usages de l'élite parisienne. Dans les salons qu'elle fréquentait, elle fit la rencontre de plusieurs hommes de lettres, et elle s'essaya également à l'écriture.
Support privilégié des idées nouvelles, le théâtre demeurait à cette époque sous le contrôle étroit du pouvoir. Olympe de Gouges monta sa propre troupe, avec décors et costumes. C'était un théâtre itinérant qui se produisait à Paris et sa région.
Indépendamment de son théâtre politique qui fut joué à Paris et en province pendant la Révolution, la pièce qui rendit célèbre Olympe de Gouges est "l'Esclavage des Noirs", publié sous ce titre en 1792 mais inscrite au répertoire de la Comédie-Française le 30 juin 1785 sous le titre de "Zamore et Mirza, ou l'heureux naufrage". Cette pièce audacieuse dans le contexte de l'Ancien régime, avait été acceptée avec une certaine réticence par les comédiens du Théâtre français qui étaient dépendants financièrement des protections que leur accordaient les gentilshommes de la chambre du roi.
La pièce de Mme de Gouges, dont le but avoué était d'attirer l'attention publique sur le sort des Noirs esclaves des colonies, mêlait modération et subversion dans le contexte de la monarchie absolue. Le Code Noir édicté sous Louis XIV était alors en vigueur et de nombreuses familles présentes à la cour tiraient une grande partie de leurs revenus des denrées coloniales, qui représentaient la moitié du commerce extérieur français à la veille de la Révolution.
Avec la Révolution française, la Comédie-Française devint plus autonome grâce notamment à Talma et Mme Vestris, et la pièce sur l'esclavage, inscrite quatre ans plus tôt au répertoire, fut enfin représentée. Malgré les changements politiques, le lobby colonial restait très actif, et Olympe de Gouges, soutenue par ses amis du Club des Amis des Noirs, continua à faire face aux harcèlements, aux pressions et même aux menaces. En 1790, elle composa une autre pièce sur le même thème, intitulée "le Marché des Noirs" (1790).
Elle avait par ailleurs publié en 1788 des Réflexions sur les hommes nègres (1788), qui lui avaient ouvert la porte de la Société des amis des Noirs dont elle fut membre. Au titre d'abolitionniste, elle est également citée par l'abbé Grégoire, dans la « Liste des Hommes courageux qui ont plaidé la cause des malheureux Noirs » (1808). « L'espèce d'hommes nègres, écrivait-elle avant la Révolution, m'a toujours intéressée à son déplorable sort. Ceux que je pus interroger ne satisfirent jamais ma curiosité et mon raisonnement. Ils traitaient ces gens-là de brutes, d'êtres que le Ciel avait maudits ; mais en avançant en âge, je vis clairement que c'était la force et le préjugé qui les avaient condamnés à cet horrible esclavage, que la Nature n'y avait aucune part et que l'injuste et puissant intérêt des Blancs avait tout fait ».
En 1788, le Journal général de France publia deux brochures politiques de Mme de Gouges, dont son projet d'impôt patriotique développé dans sa célèbre "Lettre au Peuple". Dans sa seconde brochure, les « Remarques patriotiques, par l'auteur de la Lettre au Peuple », elle développait un vaste programme de réformes sociales et sociétales. Ces écrits furent suivis de nouvelles brochures qu'elle adressait épisodiquement aux représentants des trois premières législatures de la Révolution, aux Clubs patriotiques et à diverses personnalités dont Mirabeau, La Fayette et Necker qu'elle admirait particulièrement.
Ses propositions étaient proches de celles des hôtes d'Anne-Catherine Helvétius, qui tenait un salon littéraire à Auteuil, et où l'on défendait le principe d'une monarchie constitutionnelle. En 1790, elle s'installa elle-même à Auteuil, et y demeura jusqu'en 1793. En relation avec le marquis de Condorcet et son épouse née Sophie de Grouchy, elle rejoignit les Girondins en 1792. Elle fréquentait les Talma, le marquis de Villette et son épouse, également Louis-Sébastien Mercier et Michel de Cubières, secrétaire général de la Commune après le 10 août. Avec eux, elle devint républicaine comme beaucoup de membres de la société d'Auteuil qui pratiquement tous s'opposèrent à la mort de Louis XVI. Le 16 décembre 1792, Mme de Gouges se proposa d'assister Malesherbes dans la défense du roi devant la Convention, mais sa demande fut rejetée avec mépris.
Elle considérait que les femmes étaient capables d'assumer des tâches traditionnellement confiées aux hommes et, dans pratiquement tous ses écrits, elle demandait qu'elles fussent associées aux débats politiques et aux débats de société. » La première, elle obtint que les femmes fussent admises dans une cérémonie à caractère national, « la fête de la loi » du 3 juin 1792 puis à la commémoration de la prise de la Bastille le 14 juillet 1792.
Parmi les premiers, elle demanda l'instauration du divorce – le premier et seul droit conféré aux femmes par la Révolution – qui fut adopté à l'instigation des Girondins quelques mois plus tard. Elle demanda également la suppression du mariage religieux, et son remplacement par une sorte de contrat civil signé entre concubins et qui prenait en compte les enfants issus de liaisons nées d'une « inclination particulière ». C'était, à l'époque, véritablement révolutionnaire, de même lorsqu'elle militait pour la libre recherche de la paternité et la reconnaissance d'enfants nés hors mariage. Elle fut aussi une des premières à théoriser, dans ses grandes lignes, le système de protection maternelle et infantile que nous connaissons aujourd'hui et, s'indignant de voir les femmes accoucher dans des hôpitaux ordinaires, elle demandait la création de maternités. Sensible à la pauvreté endémique, elle recommandait enfin la création d'ateliers nationaux pour les chômeurs et de foyers pour mendiants. Toutes ces mesures préconisées « à l'entrée du grand hiver » 1788-1789 étaient considérées par Olympe de Gouges comme essentielles, ainsi qu'elle le développe dans "Une patriote persécutée",
son dernier écrit avant sa mort.
En 1793, elle s'en était vivement prise à ceux qu'elle tenait pour responsables des atrocités des 2 et 3 septembre 1792 : « le sang, même des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement les Révolutions ». Elle désignait particulièrement Marat, l'un des signataires de la circulaire du 3 septembre 1792 proposant d'étendre les massacres de de prisonniers dans toute la France. Soupçonnant Robespierre d'aspirer à la dictature, elle l'interpella dans plusieurs écrits, ce qui lui valut une dénonciation de Bourdon de l'Oise au club des Jacobins.
Dans ses écrits du printemps 1793, elle dénonça la montée en puissance de la dictature montagnarde, partageant l'analyse de Vergniaud sur les dangers de dictature qui se profilait, avec la mise en place d'un Comité de salut public, le 6 avril 1793, qui s'arrogeait le pouvoir d'envoyer les députés en prison. Après la mise en accusation du parti girondin tout entier à la Convention, le 2 juin 1793, elle adressa au président de la Convention une lettre où elle s'indignait de cette mesure attentatoire aux principes démocratiques (9 juin 1793), mais ce courrier fut censuré en cours de lecture. S'étant mise en contravention avec la loi de mars 1793 sur la répression des écrits remettant en cause le principe républicain , elle fut arrêtée par les Montagnards et déférée le 6 août 1793 devant le tribunal révolutionnaire qui l'inculpa.
Le jugement était exécutoire, elle monta sur l'échafaud avec courage et dignité. Elle s'écriera, avant que la lame ne tombe : « Enfants de la Patrie vous vengerez ma mort. » Elle avait alors 45 ans.
3 -3 – Germaine de Staël (voir en Partie 2)
4 - Conclusion provisoire
Ce siècle a été "bouillonnant" dans les idées "les lumières" et avec plein d'hommes et de femmes "intelligents, plein d'esprit, tolérants et dynamiques" et aussi d'autres assez frivoles et même débauchés.
Il faut garder cette image des "Lumières" et ses aspects positifs et oublier la fin du siècle avec la Révolution et ses excès.
Mis sur mon blog le 26 11 2024 et modifié le 29 11 et le 19 12 2024.
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